Fouille en groupe, Kenya © MPK / WTAP

Logo West Turkana Archaeological Project

Responsable du Projet
Sonia Harmand

MISSION PRÉHISTORIQUE AU KÉNYA
Mission archéologique française
du Ministère des Affaires Étrangères

La Formation de Nachukui est une séquence plio-pléistocène de 730 mètres
d’épaisseur cumulée se présentant sous forme d’une longue et étroite (80 km)
bande de sédiments affleurant entre la rive ouest de l’actuel lac Turkana
et les volcans qui bordent le bassin à l’ouest

Dans cette région, la présence de nombreux tufs bien datés permettent d’offrir un cadre chronologique sûr aux découvertes archéologiques qui ont été (et sont toujours) faites au fil des travaux du WTAP ; ces tufs sont par ailleurs corrélables avec ceux qui rythment les deux autres Formations majeures du bassin du Turkana (Shungura et Koobi Fora), autorisant ainsi des comparaisons régionales.

Depuis les années 1990, la Formation de Nachukui constitue un terrain de recherche unique pour la connaissance des premiers homininés et leurs activités techniques. Aucune autre région du monde, en effet, n’a pour le moment livré autant de sites archéologiques d’une telle antiquité et d’une telle qualité de conservation. Ainsi ce sont plus d’une soixantaine de sites archéologiques, répartis dans 10 complexes majeurs de sites qui, à ce jour, ont été découverts, plus de la moitié d’entre eux ayant été fouillés ou sondés. L’ampleur chrono-temporelle de leur distribution est exceptionnelle puisqu’elle couvre plus de 2,5 millions d’années, de 3,3 Ma à 0,7 Ma. Cette séquence s’ouvre avec le complexe de Lomekwi et le « Lomekwien », illustré par le plus vieux site archéologique actuellement connu, Lomekwi 3 (3,3 Ma), découvert en 2011 et toujours en cours de fouille.

La découverte du site de Lomekwi 3 publiée par le WTAP en 2015 a écorné bon nombre des hypothèses jusqu’alors acceptées sur la chronologie et la nature des premières industries taillées (Harmand et al. 2015, Lewis et al. 2015). L’outillage de Lomekwi 3 daté de 3,3 Ma repousse de 700 000 ans dans le passé les débuts de notre Préhistoire et pose un défi majeur : il est bien trop vieux pour être attribué au genre Homo, et en particulier à Homo habilis que l’on croyait être le premier à tailler des outils. Des outils bien trop vieux également pour être attribués au nouveau reste fossile d’Homo mis au jour en Éthiopie, à quelques dizaines de kilomètres seulement de l’endroit où Lucy avait été découverte en 1974, et qui donne pourtant un coup de vieux au genre humain, puisqu’il indique que celui-ci aurait émergé il y a 2,8 Ma. S’il reste difficile de savoir qui a pu fabriquer les outils de Lomekwi, il est néanmoins possible qu’Australopithecus afarensis ainsi que deux nouveaux homininés, Kenyanthropus platyops et Australopithecus deyiremeda en soient les auteurs, sans exclure une invention à plusieurs reprises, indépendamment, et par des espèces différentes.

Fouille collective avec relevé, Kenya © MPK / WTAP

Extraction d'un objet au Kenya © MPK / WTAP
Sur le terrain au Kenya © MPK / WTAP
Repérage et pose de papiers © MPK / WTAP
Matériel du chantier © MPK / WTAP
←↑ 1. Découverte d’objets sur le terrain – ↑→ 2. Repérage et signalisation des objets -←↓ 3. Tri sélectif en groupe – →↓ 4. Matériel sur le chantier © MPK / WTAP.

Après le travail, une bonne pause déjeuner collective est essentielle © MPK / WTAP

Prix et
subventions
reçus par
MPK / WTAP

2016 • Prix La Recherche. La Science en Avant
2016 • Prix Vanity Fair France Leakey Foundation

2015 • Field Discovery Award Shanghai Archaeology Forum
2015 • Stone Age Institute Award for Outstanding Research into Human Origins

2013 – 2017 • ANR ARCHOR Archéologie des origines

2012 • National Geographic Society’s Expeditions Council

Fouille collective © MPK / WTAP
↑ 1. Fouille et tri collectif
↓ 2. Mise à jour d’un squelette
© MPK / WTAP.
Mise à jour d'un squelette animal © MPK / WTAP

Quels que soient ces auteurs, Lomekwi 3 apporte la preuve qu’ils (ou au moins certains d’entre eux) possédaient déjà les capacités cognitives et motrices nécessaires à la taille de la pierre il y a plus de 3 Ma. Une découverte spectaculaire donc car si l’on connait déjà relativement bien les caractéristiques anatomiques des homininés du Pliocène (ou au moins d’une partie d’entre eux) grâce aux restes fossilisés de leur squelette, on ne connaissait pas, avant de découvrir Lomekwi 3, la nature de leur production technique et donc de leur stade cognitif. On ne savait même pas s’ils pouvaient fabriquer des outils. Situé plus au Nord du complexe de Lomekwi, le complexe de Kangatukuseo, un peu plus récent, s’inscrit toutefois dans la même période pré-oldowayenne. Puis viennent les complexes de l’Oldowayen ancien de Nasura et Lokalalei (entre 2,4 et 2 Ma), ceux de l’Oldowayen « classique » (entre 1,8 et 1,7 Ma) de Kokiselei – ce dernier enfermant aussi le plus vieux site acheuléen actuellement connu (Kokiselei 4, 1,75 Ma) – de Kalokodo et Naiyena Engol, et enfin les complexes de Kalochoro, Nachukui et Nadung’a (entre 1,3 et 0,7 Ma) qui contiennent des sites d’âge acheuléen mais essentiellement sans biface.

L’aspect exploratoire des recherches menées jusqu’alors par le WTAP va bien entendu se poursuivre avec les défis et les questions qui l’accompagne, tels par exemple : jusqu’à quelle date peut-on faire remonter dans le temps l’apparition des premiers outils, et pour quel usage ? Parmi les homininés présents en Afrique orientale à la même période, quels en sont les auteurs les plus probables ? Mais les travaux des années à venir consisteront non seulement à continuer d’approfondir et collecter des nouvelles données sur les périodes les plus anciennes mais aussi, à l’autre bout de la séquence, d’explorer et comprendre ce que recouvre exactement la présence de cet Acheuléen sans biface. Le WTAP explore également la transition vers l’homme moderne dans la Formation de Nachukui avec la prospection d’abris sous roche d’âge potentiellement Middle et Late Stone Age.

Approches pluridisciplinaires développées par le WTAP : technologie lithique, techno-économie des matières premières, expérimentations sur lithique, os et matières végétales, tracéologie et étude de résidus, macro-analyse des traces de percussion, paléontologie et paléoécologie, paléoanthropologie, géologie, datation, téphrostratigraphie et paléomagnétisme, sédimentologie et stratigraphie des milieux de dépôts, analyse spatiale, MNT et SIG, strontium, analyses isotopiques et d’émail dentaire, analyses écométriques et mesowear, taphonomie, modélisation paléoclimatique.

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